Tribulations d'un précaire, Iain Levison

Publié le par pacocado

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GENIAL! Voilà un bouquin que je conseille vivement. Tout est dans le titre: les "tribulations d"un précaires" où comment un licencié de lettres, devenu travailleur itinérant multiplie les contrats précaires dans une Amérique  où la liberté tant vantée est également celle de licencier à tout moment sans préavis. Iain Levison narre son propre vécu  en conteur hors pair: Il est tour à tour poissonnier, déménageur, exposant d'oeuvre d'art, livreur de fuel, câbleur informatique, serveur dans une soirée en plein air, mais aussi  pécheur en Alaska. Confronté  à des conditions de travail harrassantes ou dangereuses (souvent les 2 à la fois), soumis à une hiérarchie mesquine , hypocrite et  parfois  sans pitié, et subordonné à  la logique implacable de la rentabilité,  le narrateur ne se lamente pourtant pas et relate, écoeuré mais blasé son quotidien  dans sa recherche d'un  job. Son quotidien , mais aussi celui de ses comparses , celui en somme  de toutes les masses laborieuses à qui on ne permet pas  de se sortir de la mélasse dans laquelle les "riches"  parasites les ont englués et qui "se tuent à survivre".

Pas d'inquiétude pour ceux qui n'ont pas le moral, car tout ceci est relaté avec un humour féroce et bourré d'autodérision qui rend ce petit livre aux propos sombres pourtant jubilatoire.

 


Premières Phrases:

"
C'est dimanche matin et j'épluche les offres d'emploi. J'y trouve deux catégories de boulots : ceux pour lesquels je ne suis pas qualifié, et ceux dont je ne veux pas. J'étudie les deux.
Il y a des pages et des pages de la première catégorie, des postes que je n'obtiendrai jamais. Expérience de six ans exigée dans tel et tel domaine, parler couramment le chinois, pouvoir piloter un jet face à une défense antiaérienne, et avoir SIX ANS d'expérience en chirurgie cardiaque. Salaire de départ trente-deux mille dollars. Faxez votre C.V. à Beverly.
Je me demande qui est Beverly et ce qu'elle sait de plus que moi. Pour commencer, elle sait qu'elle reçoit un salaire. Je suis sûr qu'elle n'a aucune des compétences exigées pour le poste, sinon elle l'occuperait au lieu de répondre au téléphone. Si je connaissais personnellement Beverly, est-ce que je pourrais décrocher un boulot quelconque dans l'entreprise où elle travaille ? C'est pour ça qu'on n'indique pas son nom de famille ? Pour décourager les casse-pieds éventuels tels que moi de la harceler dans un bar ? de découvrir des détails sur sa vie privée et de tomber sur elle dans le métro après quatre heures d'attente pour l'inviter ensuite à prendre un verre et lui demander en passant, après une nuit torride, s'il y a un poste à pourvoir dans son entreprise ? Je vais jusqu'au bout de la colonne et j'en apprends de plus en plus sur les compétences que je n'ai pas, sur la formation que je n'obtiendrai jamais, sur des emplois à pourvoir dans des domaines dont j'ignorais jusqu'à l'existence
 
."

Morceaux choisis:

«Au cours des dix dernières années, j'ai eu quarante-deux emplois dans six États différents. J'en ai laissé tomber trente, on m'a viré de neuf, quant aux trois autres, ç'a été un peu confus. C'est parfois difficile de dire exactement ce qui s'est passé, vous savez seulement qu'il vaut mieux ne pas vous représenter le lendemain.
Sans m'en rendre compte, je suis devenu un travailleur itinérant, une version moderne du Tom Joad des Raisins de la colère. À deux différences près. Si vous demandiez à Tom Joad de quoi il vivait, il vous répondait : " Je suis ouvrier agricole. " Moi, je n'en sais rien. L'autre différence, c'est que Tom Joad n'avait pas fichu quarante mille dollars en l'air pour obtenir une licence de lettres.
."
(p.12-13)

 

 

"Il y a un certains temps que je n'ai pas navigué, et je me rappelle aussitôt que j'ai touours  un mal de mer monstrueux. Je passe les deux premiers jours à courir vomir aux toilettes. Je m'aperçois aussi, que lorsque vous êtes payés au pourcentage de la prise, les horaires n'ont aucun sens. Vous ne pointez ni à l'arrivée, ni à la sortie, et la compagnie ne fait aucune économie à ne pas vous faie travailler. Chacun doit donc s'activer tout le temps. On attends de moi qu'entre chaque vomissement, je m'y colle pour nettoyer la cuisine, récurer les casserolles, nettoyer l'escalier, ranger des caisses dans le congélateur, ou toute autre tâche sulbaterne qui se présente.

(p.128)

 

Publié dans Jouissif

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